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Résumé de la loi sur les matières premières, LMAP, du 1er avril 2014

Vue d’ensemble de la loi et de ses mécanismes

Champ d’application de la loi

L’art. 1 précise les quatre buts de la loi : la réduction de la malédiction des ressources dans les pays d’origine des matières premières ; la mobilisation de ces ressources pour le développement et la réduction de la pauvreté dans les pays d’origine des matières premières ; la sauvegarde de la bonne réputation de la Suisse, et le maintien de l’intégrité de la place helvétique des matières premières ; le respect du droit international, en particulier dans le domaine des droits humains et des normes environnementales.

L’art 2 définit les entités légales soumises à la loi. Celle-ci s’applique en particulier (a) aux sociétés actives dans le négoce ou l’extraction de matières premières dont le siège social (ou une société parente) est enregistré en Suisse ; (b) aux établissements financiers au sens de la LBA (RS 955) exerçant depuis la Suisse une activité dans le domaine du négoce physique de matières premières ; (c) aux filiales et succursales d’un établissement mentionné sous a) ou b) supra ; (d) aux filiales et succursales suisses de sociétés étrangères actives dans le négoce physique et (e) aux sociétés qui ne sont pas actives uniquement dans le domaine des matières premières, mais qui achètent ou vendent annuellement des matières premières en gros et à des fins autres que leur transformation, pour des montants excédant 5% de leur chiffre d’affaires total.

Le paragraphe final précise que seules les sociétés (et non les personnes physiques) peuvent mener des activités dont l’exercice est soumis à l’agrément de la ROHMA.

L’art. 3 oblige les sociétés assujetties à la ROHMA actives dans l’extraction de matières premières à adhérer au code de conduite international des entreprises de sécurité privées.

Activités interdites et activités soumises à autorisation

L’art. 4 précise quelles sont les activités auxquelles les assujettis ont l’interdiction de se livrer. En particulier, il leur est interdit d’acheter ou de vendre des matières premières lorsque celles-ci proviennent d’un crime (par exemple, des matières premières volées), sont obtenues de façon illégale (p. ex. au moyen d’opérations de corruption ou sans licences extractives), sont obtenues en violation de normes environnementales ou de droits humains, proviennent de pays faisant l’objet de sanctions internationales (embargos), ou lorsqu’elles sont commercialisées sans que les pays producteurs n’en retirent un bénéfice approprié. Les sociétés assujetties ont également l’interdiction d’effectuer des opérations d’optimisation fiscale agressive dans quelque partie que ce soit de leur structure d’affaire.

Il est interdit d’effectuer des opérations par lesquelles les sociétés prêtent leur nom à des sociétés tierces (« name lending »), d’agir sous le nom d’une autre société ou d’effectuer des affaires avec une société ayant emprunté le nom d’une autre personne juridique. Il est également interdit d’effectuer des opérations soumises à l’assujettissement avec des entités proches de personnes politiquement exposées, d’acheter des matières premières dont l’origine légale est incertaine ou de négocier des matières premières provenant de zones de conflit, d’Etats faillis ou de territoires occupés sans l’autorisation explicite de la ROHMA.

Activités nécessitant l’octroi d’une licence

L’art. 5 précise le type d’activités qui nécessitent l’octroi d’une licence auprès de la ROHMA. Ces activités incluent : les activités extractives (que celles-ci soient effectuées en surface, qu’elle soient souterraines, sous-marines, ou effectuées par des méthodes spécifiques, par exemple « in situ leaching »), le raffinage, la fonte, le transport ou les activités logistiques, le forage (pétrolier), la production agricole à grande échelle (cf. définition), l’entreposage, la transformation, le négoce ou la distribution des matières premières.

Procédure d’octroi de licence

L’art. 6 décrit la procédure permettant aux sociétés d’obtenir une licence. Aux termes de cet article, les sociétés soumises à la loi ont l’obligation de fournir certaines informations à la ROHMA lorsqu’elles souhaitent obtenir une licence, parmi lesquelles des informations relatives aux activités qu’elles souhaitent mener et à leur localisation géographique précise. Elles doivent également informer la ROHMA de façon détaillée sur les ayants droit économiques des relations d’affaires qu’elles entendent nouer, sur toute licence ou tout contrat obtenu au terme de négociations menées avec des entités publiques ou privées dans le pays d’origine des matières premières, et fournir des copies des études d’impact sur les droits humains des activités envisagées ainsi que des rapports sur leurs devoirs de diligence. L’étendue de ces rapports de diligence est déterminée par la nature des activités pour lesquelles la licence est sollicitée et par la taille de la société.

Tout élargissement significatif des activités d’une société assujettie, toute modification dans sa structure de contrôle, ou tout changement significatif de ses partenaires d’affaires doit être notifié sans délai à la ROHMA ; celle-ci dispose d’un délai de 30 jours pour déterminer si ces modifications sont compatibles avec la licence délivrée (en ce qui concerne les activités) et si elles sont acceptables (en ce qui concerne le contrôle de la société).

L’art. 7 détermine les exigences devant être satisfaites pour que la ROHMA octroie une licence à une société. Ces exigences sont notamment : une organisation interne correspondant à la nature des activités proposées ; l’existence d’entités distinctes chargées de la direction opérationnelle, de la révision et du contrôle interne des activités de la société et la bonne réputation du personnel de direction, du management ou des administrateurs de la société. Celle-ci doit être de nature à assurer la garantie des activités irréprochables de celle-ci.

L’art. 8 interdit aux sociétés ayant sollicité l’octroi d’une licence de commencer leurs activités – ou, lorsque les conditions sous lesquelles une licence existante a été octroyée sont modifiées, d’étendre celles-ci – avant que la ROHMA ne l’autorise explicitement. Lorsqu’une société obtient une licence, des informations détaillées sur celle-ci sont publiées dans la base de données des licences de la ROHMA, accessible au public.

Devoirs des sociétés assujetties et devoirs en matière de diligence

La surveillance des activités des sociétés du secteur des matières premières est basée en premier lieu sur la responsabilité des sociétés elles-mêmes. De ce principe découlent une série d’obligations de diligence, décrites infra. Selon ce principe, il est du devoir des sociétés elles-mêmes de s’organiser de façon à s’assurer qu’elles respectent les obligations découlant de leurs activités. L’art. 9 donne à la ROHMA la possibilité d’édicter, par voie d’ordonnances ou de circulaires, des règles contraignantes d’organisation interne pour les sociétés du secteur.

Lors de la sollicitation d’une licence et par la suite, les sociétés assujetties ont le devoir de conduire diverses procédures de diligence. L’art. 10 précise les devoirs de diligence relatifs à la chaîne d’approvisionnement. Ceux-ci doivent être conduits afin de s’assurer que la société n’effectue pas le négoce de matières premières illicites (p. ex. volées ou pillées) ; obtenues illégalement (p. ex. au moyen d’opérations de corruption ou sans licences extractives) ; obtenues en violation des droits humains, (p. ex. produites moyennant le travail d’enfants) ou de normes environnementales (p. ex. lorsque leur raffinage produit des émissions de souffre dépassant les normes autorisées) ; provenant de zones de conflit, d’Etats faillis ou de territoires occupés et obtenues sans autorisation explicite de la ROHMA ; obtenues en violations de sanctions internationales ou sans que les pays producteurs n’en retirent un bénéfice approprié (p. ex. du fait de la mauvaise administration de biens publics ou de leur détournement).

L’art. 11 oblige les sociétés assujetties à effectuer des procédures de diligence leur permettant de connaître leurs partenaires d’affaires. Selon cet article, les sociétés assujetties doivent connaître précisément leurs partenaires d’affaires, déterminer quels sont les ayants droit économiques des sociétés avec lesquelles elles entrent en relation d’affaires, et prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer du caractère irréprochable de leur activité. Elles doivent évaluer activement la validité de toute information reçue de leurs partenaires. Lorsque les sociétés réalisent que leurs relations d’affaires sont en lien avec une personne exposée politiquement (PEP), elles doivent, avant de poursuivre leur activité, solliciter l’autorisation de la ROHMA. Celle-ci statue en 30 jours. Les sociétés assujetties doivent en outre fournir à la ROHMA la liste de leurs ayants droit économiques. La ROHMA publie ces informations dans une base de données publique.

Lorsque les sociétés assujetties entrent en relation d’affaires avec des sociétés soumises elles-mêmes à la supervision de la ROHMA ou à une régulation définie comme équivalente par un accord de reconnaissance mutuelle conclu avec une autorité étrangère, il est possible de réduire l’ampleur des procédures de diligence effectuées à l’égard de ces relations d’affaires.

L’art. 12 oblige les sociétés assujetties à faire preuve de transparence dans leurs activités. Elles doivent notamment publier de façon détaillée les paiements effectués à des gouvernements ou à des compagnies publiques dès que ceux-ci atteignent CHF 100’000. Sont compris comme paiement les acquisitions de licences, les concessions, les accords de partage de production, les bonus de signature, les royalties, les impôts, les prêts gagés, les achats, les ventes et toute autre forme de transaction. Par ailleurs, les sociétés assujetties doivent fournir à la ROHMA la totalité de leurs contrats (licences, off-take agreements, swaps, etc.) qui les lient à des Etats ou des entités publiques. La ROHMA publie ces informations dans une base de données publique.

L’art. 13 précise le devoir auquel sont soumises les sociétés assujetties de nommer des personnes responsables de la supervision de procédures de diligence ; celles-ci doivent notamment publier les politiques internes de la société (p. ex. en matière de chaîne d’approvisionnement ou d’engagement de compagnie de sécurité privées) et conduire une analyse continue des politiques et des pratiques de la société. Ces personnes sont aussi chargées de s’assurer de l’efficacité des mesures anti-corruption.

Selon l’art. 14, les mesures anti-corruption obligent les sociétés assujetties à produire une déclaration confirmant que ni elles ni leurs employés n’ont, en leur nom, commis des actes relevant de la corruption d’agents publics étrangers ou d’agents œuvrant pour des organisations internationales pendant, avant ou après le début d’une activité. Les sociétés assujetties doivent également attester du fait qu’aucun de leurs directeurs, managers ou qu’aucune personne n’agissant en leur nom ne fait l’objet d’une poursuite pénale ou n’a été condamné pour corruption au cours des cinq dernières années. Les sociétés doivent disposer d’une organisation interne destinée à prévenir les risques de corruption. Elles doivent en outre disposer de procédures destinées à offrir aux lanceurs d’alerte des canaux de communication confidentiels et solide. Elles doivent s’assurer que ces procédures sont connues et aisément accessibles pour l’ensemble de leurs collaborateurs.

Devoirs permanents des sociétés affiliées

L’art. 15 précise que les devoirs de diligence doivent être satisfaits de façon permanente, ce qui signifie que les sociétés doivent régulièrement répéter leurs procédures, en particulier lorsque des risques spécifiques ou nouveaux surviennent, de façon à s’assurer qu’elles ne contreviennent pas à leurs obligations. L’art. 16 décrit les procédures d’avertissement que la ROHMA peut mettre en œuvre avant de retirer les licences octroyées aux sociétés assujetties qui ne respectent pas leurs devoirs de façon satisfaisante.

Blanchiment de matières premières sales

L’art. 17 définit le blanchiment de matières premières sales. Le blanchiment de matières sales consiste à introduire dans les circuits commerciaux, intentionnellement ou par négligence, des « matières premières sales ». Les matières premières sales sont des matières premières illicites (p. ex. volées ou pillées), obtenues illégalement (p. ex. au moyen d’opérations de corruption), des matières premières qui ont été obtenues en violation des droits humains ou des normes environnementales, ou dont la vente finance des conflits ou des organisations criminelles. Une société se rend coupable de blanchiment de matières premières sales lorsqu’intentionnellement ou par négligence, elle introduit dans les circuits commerciaux des matières premières qu’elle aurait dû identifier comme « sales » si elle avait appliqué de façon appropriée ses devoirs de diligence. Cette infraction constitue un délit pénal. Lorsqu’elle est commise intentionnellement, elle peut être sanctionnée par une peine allant jusqu’à cinq ans de prison et par une amende maximale de 5 millions de francs. Cette peine est de deux ans de prison au maximum lorsque ce délit est commis par négligence.

Devoir d’annonce

Les sociétés assujetties à la ROHMA qui auraient connaissance d’activités pouvant représenter une infraction au droit de la surveillance effectuées par des tiers également assujettis à la ROHMA sont tenues, selon l’art. 18 de la loi, d’annoncer celles-ci sans délai à l’autorité de régulation. La violation de ce devoir d’annonce est un délit pénal.

Sanctions

Les art. 19 à 24 précisent les sanctions découlant des infractions à la loi.

Les membres du conseil d’administration et de la direction ou du management d’une société effectuant sans autorisation les activités soumises à l’octroi d’une licence par la ROHMA encourent une amende ou une peine de prison pouvant aller jusqu’à trois ans. Ceci s’applique également aux sociétés débutant une activité soumise à autorisation avant d’avoir obtenu la licence correspondante. Lorsque l’infraction est commise par négligence, la sanction est une amende.

Les membres du conseil d’administration et de la direction ou du management d’une société effectuant des opérations interdites au sens de l’article 4 ou effectuant sans autorisation des activités pour lesquelles elles auraient dû recevoir une autorisation de la ROHMA sont passibles de trois ans d’emprisonnement ou d’une amende, que le délit ait été commis par négligence ou intentionnellement. Par ailleurs, la ROHMA peut retirer les licences accordées à la société ou liquider celle-ci.

La ROHMA peut amender les sociétés assujetties qui omettraient d’appliquer ou qui n’appliqueraient pas correctement leurs obligations, par exemple qui ne réaliseraient pas correctement les procédures de diligence requises. Elle demandera en outre immédiatement à la société concernée de remédier à la violation de ses obligations. Un délai approprié sera octroyé à cette fin, sauf dans les cas de violations graves ou répétées. L’incapacité à remédier à des violations dans le délai accordé ou la répétition de ces violations peuvent provoquer de nouvelles sanctions financières (amendes) et/ou amener la ROHMA à retirer les licences accordées à la société fautive. Lorsque des violations graves ou persistantes sont constatées, les membres du conseil d’administration, de la direction ou du management sont passibles de peines d’emprisonnement de trois ans, au plus.

Les sociétés ou individus ayant contrevenu à la loi ou suspectées d’avoir contrevenu à la loi sont placées sur une « watchlist » et leurs pratiques sont supervisées avec une vigilance particulière (art. 25). Les individus qui commettent des violations graves ou répétées de la loi sont placés sur une liste noire publiée par la ROHMA. Il leur est interdit de conduire depuis la Suisse des activités soumise à l’octroi d’une licence par la ROHMA, ainsi que d’agir comme directeur ou comme administrateur d’une société suisse pour une durée de cinq ans.

Les sociétés ayant commis des infractions graves ou répétées peuvent être liquidées ou faire l’objet d’une liquidation forcée (art. 26).

L’art. 27 précise que la compétence fédérale s’applique en matière pénale. L’art. 28 stipule que la ROHMA est chargée de transmettre au MPC les violations du droit pénal dont elle a connaissance.

Dispositions finales et transitoires

Les dispositions finales octroient à la ROHMA la responsabilité d’édicter des ordonnances d’application destinées à préciser les devoirs de diligence, les conditions d’octroi de licence ainsi que les conditions et procédures d’agrémentation des sociétés d’audit spécialisées.

Les dispositions transitoires fixent au 31.12.2014 le délai dans lequel les sociétés actives dans le secteur des matières premières doivent solliciter une licence auprès de la ROHMA. Pour les sociétés actives dans le secteur des matières premières agricoles, ce délai s’étend jusqu’à 2015.

La section finale de cette loi précise les définitions en usage, notamment les concepts de « personnes exposées politiquement » ou de « blanchiment de matières premières sales », etc.